Billets qui ont 'Flaubert, Gustave' comme nom propre.

Evocation flaubertienne

J'ai enfin les affiches du candidat Modem. Entre six et sept heures, je fais ma tournée des panneaux de MLO (Moret-Loing-et-Orvanne).

Près de l'église de Veneux, un panneau que je pensais provisoire mais qui persiste fait ma joie:

vous-etes-ici


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Panneau devant la mairie d'Ecuelle. J'en reste ahurie. Quel résumé.

panneau devant la mairie d'Ecuelles


De gauche à droite:
- la photo de deux illuminés1 illustrant soit un appel au don pour les terres desséchées du Sahel, soit un hymne à la vie façon Roi Lion;
- des affiches pour une fête traditionnelle, affiches imprimées en A3 sur une imprimante de mairie puis collées bord à bord;
- l'annonce de la balade des reliques de Ste Thérèse et de la famille Martin («Quel fanatisme!», citation de la phrase finale de l'épisode du comice agricole de Madame Bovary (ce panneau m'a aussitôt évoqué ce discours));
- un festival local de hard-rock.

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Journée de télétravail.
En préparant le guacamole, H. regarde Roland Garros et tombe sur Nadal contre Zverev, un match de toute beauté (qui me croira si je dis que c'est la première fois que je vois Nadal?)
Soudain le drame, entorse de Zverev, abandon. C'est déchirant.

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Le soir, réunion "politique" prévue de longue date: en fait, réunion amicale qui consiste à boire un verre (des verres) et à grignoter en racontant des souvenirs et des bêtises.

J'en suis enchantée.



Note
1: Place publique, c'est le mouvement de Glucksmann.

L'éducation sentimentale

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RER A vers La Défense, matin

Un Flaubertien qui s'ignore

C. travaille boulevard Bourdon, j'attends qu'il fasse trente-trois degrés.

Marchandage

— Papa, est-ce qu'il serait possible que tu m'ouvres internet demain soir, ma guilde fait un raid.
— Demain, alors que tu as passé toutes tes vacances à jouer !!… Et puis il y a école jeudi.

Hésitations. Silence. Faire plaisir ou être strict, sachant que nous avons toujours eu l'occasion de regretter d'avoir dérogé à nos principes. L'exception est diabolique, parole d'expérience.

— Bon. Marchandage time. Qu'est-ce que me lis en échange?
Madame Bovary?
— Tu triches, tu ne l'as pas comme lecture obligatoire?
— Non, il fallait choisir, j'ai lu Une vie.

Et c'est ainsi qu'un raid sur WoW fut échangé contre la lecture de Flaubert.

N'empêche, Olivier est le premier de nos enfants à toujours essayer de nous convaincre. Perso, je n'aurais pas parié trois kopeks sur son succès. Comme quoi, il faut toujours essayer.

Auto-analyse face au récit

Gone girl me fait comprendre quelque chose sur moi-même, sur "mon genre": les histoires (les récits, diégèses, choisissez le mot en fonction de vous-même) dont les héros font leur propre malheur me laissent indifférente (exemple: Madame Bovary). (L'écriture, l'écriture!! oui, mais l'écriture est en quelque sorte un pré-requis, "c'est normal", si c'est mal écrit je ne lis pas, donc ce n'est pas un argument décisif pour pousser à l'enthousiasme.)

M'intéresse la réaction du héros face au destin, plus prosaïquement aux tuiles qui lui tombent sur la tête, sa façon de naviguer à vue parmi les embûches de la vie (résoudre les problèmes, survivre, ma grande passion (pas très romantique, désolée (mais pourquoi le romantisme a-t-il tant la cote?))).

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Pour revenir à Gone Girl (attention, ne pas lire la suite si vous avez l'intention d'aller voir le film, ce serait vraiment dommage d'avoir un aperçu de la fin ailleurs que devant l'écran), il souffre à mon avis de deux défauts de construction (ce qui ne l'empêche pas de présenter un suspense haletant porté en particulier par une actrice excellente):

Il m'embarrasse un peu d'exprimer le premier, car j'en tiens pour "la suspension d'incrédulité", et donc je n'avance qu'avec prudence le reproche de manque de rigueur. Mais alors que la première moitié ou les deux tiers du film sont construits mathématiquement, implacablement, un peu à la façon de L'Invraissemblable Vérité ou Le Crime était presque parfait, la fin nous montre un incompréhensible relâchement des enquêteurs: quid du voisin qui appelle Nick au début du film (s'il a appelé parce que le chat était dehors, détail infime, n'aurait-il pas remarqué la voiture d'un kidnappeur, détail autrement intrigant?), quid de l'emploi du temps du kidnappeur, n'était-il pas au bureau à l'heure du crime? Et surtout, quid de la phrase d'Amy (de mémoire, très à peu près): «j'ai besoin de trois choses: que tu confirmes les achats par carte bleue, que tu dises que tu t'es servi du bûcher pour stocker les affaires et… (j'ai oublié)»: si Nick avait réellement l'intention de trouver une faille, ne se serait-il pas emparé de cet aveu de faiblesse, de cette liste de points faibles, pour les étudier ou les rapporter à l'inspecteur?

Ce qui m'amène au deuxième défaut, à mon avis plus gênant: si l'on considère (hypothèse) que Nick reséduit Amy en lui déclarant "je t'aime" via les écrans de télévision, si l'on considère que l'idéal d'Amy est un homme qui lui ment (après son retour, dans leur maison, elle lui déclare qu'elle aime ce qu'il est redevenu pendant sa disparition, c'est-à-dire menteur, ou plutôt homme mettant sa vie en scène à la façon d'une pièce de théâtre, véritable pièce du fait de la présence des caméras donc de spectateurs), alors ce "re"-devenu implique qu'il lui a (beaucoup?) menti en début au début de leur relation, qu'il s'est beaucoup mis en scène derrière sa déclaration "no bullshit", deux doigts sur le menton.
Or cela, on ne le voit pas. La seule image du début de leur relation vient du journal d'Amy, et elle décrit un début idyllique, sans que nous sachions si c'est une construction à l'intention des lecteurs du journal (et à ce moment-là, à l'intention des candides spectateurs du film). Comment était le Nick du début de leur relation, qu'en a-t-elle pensé, s'est-il mis en scène et le savait-elle? Amy est-elle juste folle à lier, psychopathe, comme semblent le montrer ses aventures précédentes, ou a-t-elle souffert de la décomposition d'un homme qui en redevenant vrai (retour au pays et à la mère) la décevait profondément, elle qui ne vivait que par le mensonge et la mise en scène de sa vie depuis l'enfance (Amazing Amy)?
Peut-on considérer qu'alors qu'elle avait pour but de punir son mari, elle s'aperçoit avec surprise au cours du processus qu'elle a réussi à le rendre de nouveau conforme à ce qu'elle aimait en lui? Une Pygmalion monstrueuse ayant pour but de modeler une statue à son image? («C'est ce que fait le mariage» : créer des monstres? ou low key plus simplement donner naissance à des acteurs?)
(Si l'on voulait une morale positive excessivement tirée par les cheveux vu la tonalité du film, ce serait «le mariage est une séduction à réinventer en permanence» (ce tour de passe-passe en clin d'œil amical à PZ). (Et si l'on veut revenir au film, il faut continuer par: «N'échouez pas, sinon, gare!»))
Il manque un point de vue extérieur sur le début de leur histoire pour consolider l'ensemble de l'intrigue, un parallélisme qui mette la fin et le début en regard.

Ma fille, cette spécialiste de Flaubert

«Aujourd'hui, dans cette île, s'est produit un miracle.»
C'est l'impression que j'ai ce soir.

Hier soir, la rumeur courait durant la représentation que ma fille avait décrété qu'elle n'irait pas passer l'oral blanc du bac de français organisé avec beaucoup de soin par l'école qui fait appel à des professeurs étrangers à l'établissement pour une meilleure "mise en condition".

Comme c'était une rumeur, nous n'étions pas censés l'avoir entendue, et ce matin, j'ai donc fait comme si de rien n'était, contrôlant son look (qui mélange parfois les codes…) et ce qu'elle emportait dans son sac, lui souhaitant bonne chance. (Oui, je materne, mais j'ai des raisons).
J'ai passé la journée dans l'angoisse d'un coup de fil m'apprenant qu'elle avait fait un caprice ou un scandale (beaucoup de bruit quoi qu'il en soit).

En fait, elle s'est finalement présentée à l'épreuve (après avoir échangée son passage à 14h30 contre celui d'une amie à 18 heures); et elle a passé son temps à papoter sur Madame Bovary avec une professeur spécialiste du sujet, faisant état de sa lecture de l'article de Nabokov sur ce livre, de sa connaissance de l'édition raturée de Madame Bovary (une édition amusante car elle pousse à ne lire que ce qui est barré), de sa sensibilité au mouvement et à la couleur, au dynamisme des passages pris unitairement par contraste avec l'immobilité du tout…

WTF?
(Vous n'imaginez pas mon soulagement, je l'imaginais déjà renvoyée de l'école.)

L'éducation sentimentale

RER A, ce matin en face de moi.

Pour Patrick qui ne voit jamais de lecteur (ce sont les vacances, ce n'est pas une lecture imposée).


Grelots

J'ai acheté des sandales qui font un bruit de bracelets entrechoqués quand je marche.
Salammbô.

"Théâtre des passions" (1697-1759) à Nantes

- Antoine Coypel, Athalie et Esther. Il aurait fallu relire Racine avant de venir. Soudain frappée par le profond anti-antisémitisme de ces tableaux (je songe à Bernanos) et confuse de cette pensée anachronique.

- Une petite fille blonde à l'écharpe Burberrys (huit ans?) contemple Médée montant dans son char tiré par des chiens ailés, les cadavres de ses enfants à ses pieds. Elle est accompagnée d'un frère plus petit et d'un frère de la même taille qu'elle. Ils sont beaux, sérieux et méditatifs.
— Pourquoi elle a tué les enfants ? demande l'un d'eux.
Ils se regardent, regardent le tableau, quelque chose leur échappe.

- En voyant ce tableau, j'ai aussitôt pensé à Salambô. Heureuse de ne pas m'être trompée. Etonnant comme l'image formée par la lecture est restée vivante vingt ans plus tard.

Femmes d'aujourd'hui

Mes deux tantes vieilles filles lisaient l'une Femmes d'aujourd'hui, l'autre Bonne soirée.
Jusqu'à mes huit ans nous passions les deux mois d'été chez elles. Je réunissais tous les numéros, je les classais afin de mettre dans l'ordre les épisodes les feuilletons (dont les romans-photos. J'avais une passion pour ces personnages figés au visage tourmenté dont une bulle exprimait le désarroi et les dilemmes) et je lisais les encarts centraux («en supplément une histoire d'amour détachable», promettait à peu près la couverture) plus ou moins en cachette, vaguement consciente que je n'étais pas censée lire à sept ans des histoires aussi violentes et terribles.
C'est ainsi que j'ai lu très tôt des Barbara Cartland ou équivalent, enfin je suppose, je ne sais plus, cela ne m'a pas laissé grand souvenir.
En revanche j'avais été très frappée par un rossignol saignant contre l'épine d'un rosier pour transformer une rose blanche en rose rouge nécessaire pour satisfaire le caprice de la bien-aimée d'un jeune homme, et très heureuse de retrouver cette histoire par hasard des années plus tard: il s'agissait d'un conte d'Oscar Wilde.

Tout cela pour dire qu'il faut que je me renseigne: peut-être que ces numéros sont soigneusement classés et entassés dans le grenier de ma tante.

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